Maman, j’ai l’impression que je fais tout faux.

« Maman, j’ai l’impression de faire tout faux ». Cette phrase, lancée par L. ce matin en sortant de la voiture, a eu le mérite de me faire cogiter toute la journée.

Contextualisation :

Je viens de ma parquer devant l’école, à 4 minutes de la sonnerie. Peu avant d’arriver, je dis à L. qu’au moment où nous serions parquées il faudrait être rapide car il n’y a plus beaucoup de temps avant le début de l’école.

Je me parque. L. ne bouge pas. Elle reste dans son siège, immobile. Je lui ouvre la porte et lui demande :

  • As-tu entendu ce que je t’ai dit juste avant ?
  • Oui.
  • Alors pourquoi restes-tu immobile au lieu de te dépêcher ?
  • J’avais pas compris.
  • Grmbl…

Là, L. baisse les yeux en sortant de la voiture et me dit :

  • Maman, j’ai l’impression de faire tout faux.

Je la regarde, réfléchis 4 secondes et réponds :

  • Je comprends que tu en aies marre d’entendre des remarques. Je t’aime, bonne matinée.

Je retourne à ma voiture, avec ce petit pincement au cœur face au sentiment que j’ai provoqué chez ma fille. J’ai heureusement appris que la culpabilité n’apporte rien de constructif, donc je respire un grand coup et prends le temps d’analyser la situation.

  • L. est-elle simplement en mode victime ? (oui, cela arrive, même à 5 ans et demi). Non, ce n’est pas ça. Elle semblait vraiment sincère.
  • Est-ce que je trouve qu’elle fait tout faux ? Non, bien au contraire. Je suis chaque jour impressionnée par ses progrès, tous domaines confondus.
  • A-t-elle des raisons de penser qu’elle fait tout faux ? Oui.

Parce que si je suis honnête avec moi-même, dans la balance, il y a eu davantage de raisons de penser qu’elle fait faux, que de raisons de se sentir capable.

Pourtant, ce matin, voici ce que j’ai pensé :

  • Au moment où elle s’est préparée seule, en s’aidant de son Timer (voir article 4 outils concrets pour rendre votre quotidien familial plus serein) pour s’organiser dans le temps : « Elle est autonome, et se débrouille très bien seule ».
  • Au moment du déjeuner : « Elle sait maintenant faire elle-même ses tartines et aime les faire, c’est cool ! »
  • Durant nos discussions du matin entre elle, son père et moi : « Elle est drôle, j’adore son sens de l’humour. Et son vocabulaire est vraiment impressionnant pour son âge. »
  • Quand elle s’est lavé les dents, toujours Timer en mains : « Cool, je peux ranger le déjeuner et finir de me préparer, elle se gère ».
  • Sur la route de l’école, quand elle me dit à quel point elle aime vivre à la campagne après avoir croisé 2 biches : « Elle est reconnaissante, elle sait voir les belles choses, les partager et s’en réjouir. »

Mais ce que j’ai dit, principalement:

  • L., peux-tu arrêter de faire le clown à table et te tenir comme il faut ? – alors qu’elle faisait du bruit avec sa paille en buvant son lait.
  • L., hier soir j’ai dû refermer tous les tubes de crème et de dentifrices quand tu es allée te coucher. Peux-tu stp faire un effort et ne pas tout laisser trainer derrière toi ?
  • L., active, c’est pas le moment de te regarder 10’ dans le miroir, on doit y aller !
  • Et, donc, arrivées devant l’école, cette dernière remarque au moment de sortir de la voiture…

Réalisant cela, je me suis sentie très reconnaissante à l’égard de ma fille, capable de me faire réaliser en douceur qu’entre la théorie et la pratique, il y a parfois un no-man ’s-land dans lequel les meilleures intentions peuvent se perdre, si elles ne sont pas combinées à une solide conscience de soi. Car oui, dans la théorie, je sais bien que crouler sous les remarques n’est pas motivant, alors que la valorisation des comportements positifs l’est. Je suis habituellement attentive à trouver un bon équilibre entre valorisation (verbalisation de ce qui fonctionne bien / encouragements) et remarques pour apprendre, évoluer. Mais aujourd’hui pourtant, je n’ai pas remarqué le nombre de remarques que je faisais à L., et surtout pas remarqué que dans la balance, il y en avait bien plus de négatives que de positives.

Sans doute L. a-t-elle perçu cela rapidement… peut-être me direz-vous qu’elle a une faible tolérance à la critique… Peut-être… Mais ce que je retiens surtout de positif, c’est qu’elle m’ait dit comment elle se sentait : je ne voudrais pas que ma fille se résigne à encaisser des montagnes de remarques sans sourciller, ou en s’enfermant dans la tristesse ou la colère.

Car entre ce que nous pensons en tant qu’adultes, ce que nous transmettons, ce que les enfants entendent et les interprétations qu’ils en font, il y a souvent un grand écart. Et ils auront presque toujours tendance à donner un total crédit à ce que nous disons. Aussi s’ils s’imaginent que nous pensons qu’ils font tout faux, s’identifieront-ils petit à petit à cette représentation d’eux, au risque de sérieusement entacher leur estime d’eux-mêmes. La capacité à entendre une critique est une capacité précieuse, mais elle n’est pas innée, elle se construit sur la base de la confiance en soi. Or celle-ci s’élabore, durant les premières années de vie, au travers des retours positifs et bienveillants que les parents, les proches, les enseignants, font à l’enfant. Entendons-nous : cela ne veut pas dire qu’il ne faille plus faire aucune remarque « négative » à un enfant. Mais il est important de garder à l’esprit que ce sont les encouragements et la valorisation, bien plus que les reproches et l’humiliation, qui pousseront nos enfants à avoir confiance en eux et à vouloir s’améliorer.

Au final, 4 apprentissages ressortent de cette matinée :

  • Donner une consigne claire si l’on souhaite un résultat efficace. Ce qui était clair dans ma tête quand j’ai dit à L. d’être rapide ne l’était pas pour elle. Elle ne peut donc pas satisfaire ma demande si elle ne la comprend pas vraiment.
  • Entendre les enfants lorsqu’ils nous partagent une émotion sincère, et la valider. Au même titre que nous, adultes, les enfants aiment, voire ont besoin de se sentir compris dans le vécu de leurs émotions. La reconnaissance mutuelle des émotions est un des éléments qui favorisent la construction du lien entre les différents membres de la famille.
  • Etre attentif à transmettre aux enfants ce qui fonctionne bien au moins aussi souvent que ce qui ne fonctionne pas. Dans l’idéal, même plus souvent. Car notre cerveau a tendance à conserver plus facilement en mémoire les remarques négatives que les positives.
  • Etre d’accord d’apprendre de ses erreurs. Ce qui commence par être d’accord d’en faire, et ne pas « s’auto-flageller » lorsque cela arrive. Admettre qu’on a fait fausse route et corriger le tir, c’est aussi montrer à nos enfants qu’une erreur, ou un échec, sont des opportunités d’apprentissages et non des fatalités qui définissent nos aptitudes une bonne fois pour toutes.

Merci donc, L., pour cette opportunité d’apprentissage. 

Et vous, chers parents, quels apprentissages vos enfants vous ont-ils permis de faire ? Je suis curieuse de vous lire dans les commentaires ! 🙂

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